Pour produire fraises, tomates et blé, elles affrontent les préjugés sexistes, mais aussi les changements climatiques, le manque de moyens financiers, la pénurie de terres cultivables… et les bombes.
Introduction
Dans le nord de la Bande de Gaza, les terres agricoles jouent un rôle crucial pour l’économie locale et la subsistance des familles. Ces terres fertiles, qui s’étendent sur des hectares, sont non seulement sources de revenus pour les agriculteurs mais aussi essentielles pour assurer la sécurité alimentaire de la région. Cependant, des actions récentes de l’occupation ont conduit à la destruction de ces précieuses terres agricoles, exacerbant les défis déjà existants pour les communautés locales.
Les agriculteurs de Gaza, confrontés à des restrictions de mouvement et à des pénuries de ressources, dépendent fortement de ces terres pour cultiver des produits vitaux. La destruction de ces champs par des incendies et autres moyens a un impact dévastateur sur leur capacité à produire des récoltes. Les pertes économiques sont considérables, affectant non seulement les revenus des familles mais aussi l’économie locale dans son ensemble.
Au-delà de l’impact économique, la destruction des terres agricoles a des répercussions profondes sur le tissu social de la région. Les agriculteurs, dont le travail est souvent une tradition familiale transmise de génération en génération, voient leur mode de vie menacé. Cette situation intensifie également les tensions et l’insécurité, contribuant à un climat de désespoir et de frustration parmi les habitants de Gaza.
En examinant de plus près ces actions d’occupation et leurs conséquences, il devient clair que la protection des terres agricoles est non seulement une question économique mais aussi une nécessité humanitaire. La communauté internationale doit s’engager de manière plus proactive pour soutenir les agriculteurs de Gaza et préserver la viabilité de ces terres essentielles.“`html
Contexte Historique
La Bande de Gaza, une étroite bande de terre bordant la Méditerranée, a une histoire complexe marquée par des conflits et des tensions continues. Depuis le milieu du 20e siècle, cette région a été au centre d’un conflit prolongé qui a profondément affecté tous les aspects de la vie, y compris l’agriculture. Avant l’occupation israélienne qui a commencé en 1967, l’agriculture dans la Bande de Gaza était une source majeure de subsistance pour les habitants. Les agriculteurs de Gaza cultivaient une variété de cultures, y compris des agrumes, des olives, et des légumes, qui non seulement soutenaient l’économie locale mais étaient aussi exportés à l’international.
Avec l’occupation, l’accès aux terres agricoles a été considérablement restreint. Les restrictions de mouvement, les zones de sécurité, et les confiscations de terres ont tous contribué à la réduction des surfaces cultivables. De plus, les infrastructures agricoles ont subi des dommages importants en raison des incursions militaires et des conflits armés. Les agriculteurs de Gaza ont dû faire face à des défis de taille, notamment le manque d’accès à l’eau, la destruction des cultures, et les difficultés d’accès aux marchés extérieurs.
En dépit de ces obstacles, l’agriculture est restée une activité cruciale pour de nombreuses familles gazaouies. Cependant, les récentes actions de brûlage des terres agricoles par les forces d’occupation ont ajouté une nouvelle couche de difficultés. Ces actions non seulement détruisent les moyens de subsistance des agriculteurs mais exacerbent également la crise humanitaire dans la région. Le contexte historique de l’occupation et des politiques de restriction a donc joué un rôle central dans la transformation du paysage agricole de la Bande de Gaza, affectant profondément la vie des agriculteurs et leur capacité à produire de la nourriture.
Les Incidents Récents
Récemment, plusieurs incidents de brûlures de terres agricoles ont été signalés dans le nord de la Bande de Gaza, exacerbant les tensions déjà élevées dans la région. Des témoignages d’agriculteurs locaux et des rapports de médias fournissent une image troublante de cette situation préoccupante. Selon les agriculteurs, les flammes ont dévasté des hectares de cultures, détruisant des récoltes vitales et menaçant les moyens de subsistance de nombreuses familles.
Un agriculteur de la région, Mohammad Al-Saadi, a décrit comment il a vu ses champs de blé partir en fumée en l’espace de quelques heures. « C’est une perte totale pour moi et ma famille, » a-t-il déclaré. « Nous comptions sur cette récolte pour survivre cette année. » D’autres témoignages similaires ont été recueillis, soulignant la gravité de la situation. Les feux, souvent déclenchés intentionnellement, ont laissé de nombreux agriculteurs désemparés et sans ressources.
Les rapports des médias locaux corroborent ces témoignages, indiquant que les incendies ont été fréquents et semblent coordonnés. Des vidéos et des photographies prises sur les lieux montrent des champs en flammes et des agriculteurs tentant désespérément d’éteindre les incendies avec les moyens du bord. L’ampleur des dégâts est difficile à quantifier, mais il est clair que les pertes sont considérables.
En outre, les autorités locales ont exprimé leur inquiétude face à cette escalade de violence ciblant les ressources agricoles. Plusieurs appels ont été lancés pour une intervention internationale afin de protéger les agriculteurs et leurs terres. Cependant, jusqu’à présent, peu d’actions concrètes ont été mises en place pour prévenir de futurs incidents.
Ces événements récents mettent en lumière la vulnérabilité des agriculteurs de la Bande de Gaza face à des actes de destruction intentionnelle. La communauté internationale est appelée à prêter attention à cette crise et à prendre des mesures pour protéger les moyens de subsistance des personnes affectées par ces actes de violence.
Impact sur les Agriculteurs Locaux
L’occupation et les incendies qui en résultent ont des répercussions dévastatrices sur les agriculteurs locaux dans le nord de la bande de Gaza. Les pertes économiques pour ces agriculteurs sont considérables. Les incendies détruisent non seulement les récoltes en cours, mais également les infrastructures agricoles telles que les systèmes d’irrigation, les équipements de culture et les entrepôts. De nombreux agriculteurs se retrouvent ainsi sans ressources pour continuer leur activité, aggravant la précarité économique de la région.
La destruction des récoltes a un effet domino sur la sécurité alimentaire locale. Les cultures telles que le blé, l’orge, les olives et divers légumes sont souvent les plus touchées. Ces produits sont essentiels non seulement pour la consommation locale mais aussi pour la vente sur les marchés régionaux. La perte de ces récoltes entraîne une augmentation des prix des denrées alimentaires, rendant difficile l’accès à la nourriture pour de nombreuses familles. Les agriculteurs, déjà confrontés à des marges financières étroites, doivent faire face à des dettes croissantes et à l’incapacité de subvenir aux besoins de leurs familles.
Pour illustrer ces impacts, prenons le cas de Mahmoud, un agriculteur de 45 ans qui cultive des olives depuis plus de deux décennies. Les incendies ont détruit 70% de ses oliveraies, entraînant une perte de revenus estimée à plusieurs milliers de dollars. Mahmoud explique : “Ces arbres étaient non seulement une source de revenus mais aussi un héritage familial. Les voir réduits en cendres est une perte incommensurable.” Sa situation n’est pas isolée; de nombreux autres agriculteurs partagent des histoires similaires de perte et de désespoir.
En outre, les études de cas révèlent également que les agriculteurs font face à des défis psychologiques importants. La destruction répétée de leurs moyens de subsistance entraîne un sentiment d’impuissance et d’anxiété. Les agriculteurs doivent constamment reconstruire et réinvestir dans leurs terres, souvent sans aucune garantie de sécurité future. Cette instabilité chronique nuit gravement à la résilience de la communauté agricole dans la bande de Gaza.
Réponse de la Communauté Internationale
La réponse de la communauté internationale face à l’occupation et la destruction des terres agricoles dans le nord de la Bande de Gaza a été variée et souvent marquée par des déclarations de condamnation. Les organisations de défense des droits de l’homme ont été parmi les premières à réagir. Human Rights Watch et Amnesty International, par exemple, ont publié des rapports détaillant les violations des droits des agriculteurs gazaouis, soulignant l’impact dévastateur sur leurs moyens de subsistance et la sécurité alimentaire dans la région. Ces organisations ont appelé à des enquêtes indépendantes et à des sanctions contre les responsables.
Les réactions des gouvernements étrangers ont également été notables. Plusieurs pays européens, dont la France et l’Allemagne, ont exprimé des préoccupations sérieuses par le biais de déclarations officielles. Leurs ministères des Affaires étrangères ont demandé la fin immédiate des destructions et ont exhorté à la protection des civils et de leurs propriétés. De même, des résolutions ont été introduites dans divers parlements nationaux, demandant une action plus ferme de la part de la communauté internationale pour mettre fin aux pratiques destructrices dans la Bande de Gaza.
En parallèle, les Nations Unies ont joué un rôle crucial en mettant en lumière la situation dans leurs forums. Le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) a régulièrement mis à jour ses rapports pour inclure des données sur les terres agricoles affectées, tout en plaidant pour une aide humanitaire accrue. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a également convoqué des sessions spéciales pour discuter de la situation, avec des appels répétés à l’action pour soutenir les agriculteurs gazaouis.
Enfin, des appels à l’action ont été lancés par des coalitions internationales d’ONG, qui ont organisé des campagnes de sensibilisation et de collecte de fonds pour soutenir les agriculteurs affectés. Des pétitions ont été signées par des milliers de personnes à travers le monde, demandant une réponse plus proactive des gouvernements et des institutions internationales. Ces efforts collectifs visent non seulement à apporter un soutien immédiat mais aussi à créer une pression politique pour un changement durable.
Efforts de Réhabilitation et de Résistance
Face à la dévastation causée par l’occupation, les agriculteurs et les organisations locales du nord de la Bande de Gaza ont entrepris des efforts considérables pour réhabiliter les terres brûlées et résister. Ces initiatives sont essentielles non seulement pour la subsistance immédiate des communautés agricoles, mais aussi pour préserver l’identité culturelle et économique de la région.
Les initiatives communautaires jouent un rôle crucial dans la réhabilitation des terres agricoles. Divers projets de reforestation et de replantation ont été mis en place, souvent en collaboration avec des ONG internationales. Ces projets se concentrent sur la replantation d’arbres fruitiers et de cultures vivrières, essentiels pour rétablir la biodiversité et assurer une source de revenus pour les agriculteurs locaux. La mise en place de systèmes d’irrigation innovants, utilisant des ressources limitées de manière efficiente, est également une priorité pour ces efforts de réhabilitation.
En parallèle, les stratégies de résilience incluent des formations pour les agriculteurs sur des techniques agricoles durables qui peuvent résister aux conditions difficiles imposées par l’occupation. Les programmes de sensibilisation et de formation sont souvent soutenus par des organisations locales et internationales, visant à renforcer les compétences des agriculteurs en matière de gestion des ressources naturelles et de protection de l’environnement.
Par ailleurs, la résistance prend également la forme de plaidoyers et de campagnes de sensibilisation à l’échelle nationale et internationale. Les agriculteurs et les leaders communautaires travaillent ensemble pour attirer l’attention sur les injustices subies et mobiliser un soutien global. Le recours aux médias sociaux et aux plateformes numériques permet de donner une voix aux communautés affectées, partageant leurs histoires et appelant à une action concertée pour mettre fin à l’occupation.
Ces efforts combinés de réhabilitation et de résistance illustrent la détermination des agriculteurs et des organisations locales à protéger leur terre et à résister aux impacts de l’occupation. Leur résilience est un témoignage puissant de l’esprit communautaire et de la capacité de surmonter les défis les plus ardus.“`html
Implications à Long Terme
Les actions de brûlage des terres agricoles dans le nord de la Bande de Gaza ont des implications profondes et durables sur plusieurs fronts. Sur le plan économique, l’agriculture est une source essentielle de subsistance pour de nombreuses familles dans la région. La destruction des terres cultivables réduit non seulement les rendements agricoles immédiats mais compromet également la sécurité alimentaire à long terme. La perte de récoltes annuelles crée une dépendance accrue envers les importations alimentaires, augmentant ainsi les coûts pour les ménages et les gouvernements locaux.
Environnementalement, les incendies récurrents des terres agricoles entraînent une dégradation significative du sol. Les sols brûlés perdent leur fertilité naturelle, diminuant leur capacité à supporter une agriculture durable. Ce phénomène engendre un cercle vicieux : des sols appauvris nécessitent davantage d’intrants chimiques pour redevenir productifs, ce qui peut entraîner une pollution accrue et une détérioration supplémentaire des ressources naturelles. La biodiversité locale est également mise en péril, avec la destruction des habitats naturels et des espèces végétales et animales indigènes.
Sur le plan social, les conséquences sont tout aussi graves. La perte de terres agricoles affecte directement le bien-être des communautés rurales, exacerbant la pauvreté et l’insécurité. Les familles qui dépendent de l’agriculture pour leur subsistance voient leurs moyens de vie anéantis, ce qui peut provoquer des migrations internes et une pression accrue sur les zones urbaines déjà surpeuplées. En outre, la destruction continue des ressources aggravera probablement les tensions locales et régionales, alimentant un cycle de conflit et de désespoir.
Si ces incidents de brûlage des terres agricoles continuent, la Bande de Gaza pourrait faire face à une crise multifacette, compromettant non seulement son avenir agricole mais aussi son tissu socio-économique et environnemental. Des mesures urgentes et concertées sont nécessaires pour protéger ces terres et assurer un avenir plus stable et durable pour la région.
Conclusion
En récapitulant, il est évident que l’occupation brûle des terres agricoles dans le nord de la Bande de Gaza, entraînant des implications significatives pour les agriculteurs locaux et la sécurité alimentaire de la région. Les actes de destruction ciblent non seulement les moyens de subsistance des agriculteurs, mais affectent également l’économie locale et la stabilité sociale de Gaza.
Les méthodes employées pour brûler les terres agricoles comprennent l’utilisation de substances incendiaires et des incursions répétées, causant des dégâts irréparables aux cultures et aux infrastructures agricoles. Les agriculteurs se retrouvent souvent sans les moyens nécessaires pour reconstruire ou réhabiliter leurs champs, exacerbant ainsi leur vulnérabilité économique.
Cette situation alarmante nécessite une attention accrue de la communauté internationale. Des efforts concertés sont essentiels pour documenter ces violations, sensibiliser le public et exercer une pression diplomatique afin de protéger les droits des agriculteurs de Gaza. Les organismes humanitaires et les ONG jouent un rôle crucial en fournissant une aide d’urgence et en soutenant des projets de développement durable pour renforcer la résilience des communautés agricoles.
Il est impératif pour les lecteurs de s’informer davantage sur cette crise et d’explorer des moyens concrets de soutenir les agriculteurs de la Bande de Gaza. Que ce soit par le biais de dons, de campagnes de sensibilisation ou de plaidoyer politique, chaque geste compte pour faire entendre la voix des agriculteurs affectés et promouvoir une solution pacifique et durable à ce problème persistant.
La situation économique et sociale est en effet catastrophique. Selon l’ONU, on dénombre à Gaza plus de 60 % de chômeurs, tandis que 65 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. La plupart ne peuvent pas sortir de l’enclave. Une population pauvre, donc, mais qui doit manger.
Malgré ces conditions difficiles, du nord au sud, des agriculteurs continuent de défier les guerres, les changements climatiques et la crise économique. Moins nombreuses que les hommes, les femmes qui cultivent la terre font face aux mêmes écueils, sont animées de la même volonté de nourrir leur peuple, mais pour elles se présente un défi supplémentaire : combattre les traditions conservatrices. L’actualité est allé à la rencontre de certaines de ces agricultrices en mai, quelques jours après le cessez-le-feu suivant la plus grave escalade récemment survenue entre des groupes armés palestiniens et Israël.
Sur les 13 420 exploitations de Gaza consacrées exclusivement à la culture de fruits, légumes et autres plantes, près d’un millier (et jusqu’à 2 500 si l’on ajoute celles qui seraient non enregistrées officiellement), de toutes tailles, sont gérées ou cogérées par des femmes fières du rôle qu’elles jouent, contre vents et marées, dans la quête de souveraineté alimentaire. Les femmes gazaouies forment aussi quelque 20 % à 30 % de la main-d’œuvre de ce secteur.
L’agriculture ne représente que 8,5 % de l’économie de Gaza, mais c’est le pilier de la sécurité alimentaire. Un quart du territoire, soit 88 km2, est cultivé. Ces terres arides et gourmandes en eau sont majoritairement situées dans le Nord et l’Est, en dehors des zones urbaines, lesquelles sont concentrées le long de la mer. Il en faudrait le double pour atteindre l’autosuffisance, a calculé le ministère de la Planification. Un objectif utopique en raison de la croissance démographique constante, au rythme de 3 % par an, qui augmente les besoins en plus d’accélérer l’urbanisation aux dépens des terres cultivables, mais aussi des restrictions israéliennes sur des terres cultivables…
Dans sa serre près de Khan Younès, petite ville du sud de Gaza, aux confins d’Israël et de l’Égypte, Hanadi Mahanna, 39 ans, contemple avec un mélange de désespoir et de colère ses plants de tomates jaunis et ratatinés tombés au sol.
Cloîtrée dans sa maison durant les cinq jours du dernier conflit, en mai, elle n’a pas pu sortir pour irriguer ses plantations. « Je viens de perdre 500 shekels israéliens [675 dollars] et je vais devoir tout arracher puis attendre pendant deux mois que le sol se repose avant de pouvoir planter de nouveaux pieds », déplore-t-elle.
Le petit coin de paradis que Hanadi et son père, Abou Hani, imposant tant par sa stature que par la chaleur de son accueil, se sont bâti au fil des années au milieu des oliviers n’est situé qu’à un kilomètre de la clôture séparant Gaza d’Israël. « Nous sommes effrayés même lorsque nous travaillons dans notre jardin. On ne sait jamais à quoi s’attendre avec les Israéliens », intervient le père, petite tasse de café à la main. La semaine précédente, une maison à proximité a été bombardée. Et un de leurs voisins est paralysé depuis qu’il a reçu une balle dans le dos dans son champ en 2014.
chaque matin à 7 h, beau temps, mauvais temps, guerre ou pas, Jazia Felfel est déjà au travail, le dos courbé, les mains dans la terre, au milieu de ses rangées d’épis de maïs, de fraises ou de concombres, à Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza.
Depuis 50 ans, cette septuagénaire aux traits burinés par le temps et le soleil trime dur, comme des milliers d’autres femmes palestiniennes, pour « nourrir son peuple ». Et sa famille. Un métier « gratifiant », mais « de plus en plus difficile », à cause, énumère-t-elle, de la crise économique, des effets néfastes des changements climatiques, de la raréfaction de l’eau douce au fond des puits et de la pollution accélérée de la nappe phréatique par les infiltrations d’eau de la mer toute proche. Mais ce qui l’angoisse plus que tout, ce sont les bourdonnements incessants des drones de surveillance israéliens au-dessus de sa tête.
La hantise d’être touchée par un tir ou un missile venu du territoire israélien, qui commence à un kilomètre de sa terre, fait partie du quotidien de cette agricultrice au regard déterminé. « Travailler dans les champs est toujours dangereux », dit Jazia Felfel.
Gaza vit en effet dans un état de guerre perpétuel. Et sous blocus terrestre, aérien et maritime, imposés par Israël en réaction à la prise du pouvoir, il y a 15 ans, par le mouvement islamiste Hamas, cette organisation considérée comme terroriste par Israël et la plupart des pays occidentaux, dont le Canada.
Près de 2,3 millions de personnes, pour la plupart des descendants des réfugiés du conflit israélo-arabe de 1948, et à forte majorité musulmane, s’entassent ainsi sur cette bande côtière de quelque 10 km de large, au plus, sur 40 km de long, soit l’équivalent des trois quarts de l’île de Montréal. Une enclave coincée au pied des clôtures sécurisées qui la séparent d’Israël et de l’Égypte. Même la mer n’est pas un symbole de liberté infinie : elle est verrouillée par la marine israélienne jusqu’à trois à six milles nautiques du rivage, au grand dam des pêcheurs locaux. Alors les Gazaouis se contentent de rêver à un avenir meilleur au soleil couchant, assis sur le sable, en regardant leurs enfants sauter dans les rouleaux fougueux qui se succèdent sur la plage. De rares moments où ils peuvent évacuer le stress des bombardements. Et la misère.
À un kilomètre, la clôture sécurisée qui sépare Gaza d’Israël. (Photo : Fabrice de Pierrebourg)
La situation économique et sociale est en effet catastrophique. Selon l’ONU, on dénombre à Gaza plus de 60 % de chômeurs, tandis que 65 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. La plupart ne peuvent pas sortir de l’enclave. Une population pauvre, donc, mais qui doit manger.
Malgré ces conditions difficiles, du nord au sud, des agriculteurs continuent de défier les guerres, les changements climatiques et la crise économique. Moins nombreuses que les hommes, les femmes qui cultivent la terre font face aux mêmes écueils, sont animées de la même volonté de nourrir leur peuple, mais pour elles se présente un défi supplémentaire : combattre les traditions conservatrices. L’actualité est allé à la rencontre de certaines de ces agricultrices en mai, quelques jours après le cessez-le-feu suivant la plus grave escalade récemment survenue entre des groupes armés palestiniens et Israël.
Sur les 13 420 exploitations de Gaza consacrées exclusivement à la culture de fruits, légumes et autres plantes, près d’un millier (et jusqu’à 2 500 si l’on ajoute celles qui seraient non enregistrées officiellement), de toutes tailles, sont gérées ou cogérées par des femmes fières du rôle qu’elles jouent, contre vents et marées, dans la quête de souveraineté alimentaire. Les femmes gazaouies forment aussi quelque 20 % à 30 % de la main-d’œuvre de ce secteur.
L’agriculture ne représente que 8,5 % de l’économie de Gaza, mais c’est le pilier de la sécurité alimentaire. Un quart du territoire, soit 88 km2, est cultivé. Ces terres arides et gourmandes en eau sont majoritairement situées dans le Nord et l’Est, en dehors des zones urbaines, lesquelles sont concentrées le long de la mer. Il en faudrait le double pour atteindre l’autosuffisance, a calculé le ministère de la Planification. Un objectif utopique en raison de la croissance démographique constante, au rythme de 3 % par an, qui augmente les besoins en plus d’accélérer l’urbanisation aux dépens des terres cultivables, mais aussi des restrictions israéliennes sur des terres cultivables…
Dans sa serre près de Khan Younès, petite ville du sud de Gaza, aux confins d’Israël et de l’Égypte, Hanadi Mahanna, 39 ans, contemple avec un mélange de désespoir et de colère ses plants de tomates jaunis et ratatinés tombés au sol.
Cloîtrée dans sa maison durant les cinq jours du dernier conflit, en mai, elle n’a pas pu sortir pour irriguer ses plantations. « Je viens de perdre 500 shekels israéliens [675 dollars] et je vais devoir tout arracher puis attendre pendant deux mois que le sol se repose avant de pouvoir planter de nouveaux pieds », déplore-t-elle.
Le petit coin de paradis que Hanadi et son père, Abou Hani, imposant tant par sa stature que par la chaleur de son accueil, se sont bâti au fil des années au milieu des oliviers n’est situé qu’à un kilomètre de la clôture séparant Gaza d’Israël. « Nous sommes effrayés même lorsque nous travaillons dans notre jardin. On ne sait jamais à quoi s’attendre avec les Israéliens », intervient le père, petite tasse de café à la main. La semaine précédente, une maison à proximité a été bombardée. Et un de leurs voisins est paralysé depuis qu’il a reçu une balle dans le dos dans son champ en 2014.
Hanadi Mahanna a perdu ses plants de tomates lors du conflit de mai 2023. (Photo : Fabrice de Pierrebourg)
À Gaza, la guerre n’est pas une exception. Elle est presque devenue banale. Et la mort aussi. On dénombre 12 conflits depuis 2005, dont deux en à peine 10 mois entre août 2022 et mai 2023. Chaque « escalade », mot employé à Gaza pour évoquer les conflits armés, entraîne son lot de drames humains et de dommages matériels.
Selon les autorités locales, près de 450 familles se sont retrouvées à la rue après la destruction totale ou partielle de leur logement lors du plus récent conflit. Des frappes qualifiées par Israël de « ciblées », car visant, affirmait-on, des officiels du Jihad islamique palestinien (JIP), groupe armé nationaliste révolutionnaire soutenu par l’Iran. Ou parce que les cibles, toujours selon Israël, étaient des installations utilisées comme postes de commandement ou comme lieux de stockage ou de lancement de roquettes.
La vie est de moins en moins rose pour la famille Mahanna, affectée par des revenus qui n’en finissent plus de baisser, sous la pression des grossistes et des consommateurs, et par les dérèglements climatiques qui lui causent du souci en bouleversant les périodes de plantation et en nuisant à sa production d’olives.
Aux alentours, les voisins, qui ont choisi de planter du tabac, semblent mieux lotis. Mais cette culture « rentable et nécessitant peu de travail » désole les Mahanna, car elle est moins utile que le blé ou tout autre produit qui « profite vraiment » à la population.
Depuis 2019, Hanadi Mahanna s’est d’ailleurs lancée dans un audacieux projet de banque de semences locales, certaines menacées de disparition : bien qu’adaptées aux conditions rudes du terrain, elles sont remplacées petit à petit par des semences industrielles et transgéniques importées. Ses pots en plastique transparent remplis de graines séchées de légumes (tomates, poivrons, melons, lentilles, etc.) et de céréales (blé, maïs, etc.), alignés sur des étagères, sont donc sa contribution à la souveraineté alimentaire de Gaza.
À quelques kilomètres de là, Sheren Aba Mansi et son mari, Mohamed, tiennent à nous montrer les panneaux solaires qu’ils venaient d’installer sur le toit d’un petit bâtiment abritant le puits utilisé pour l’irrigation de leurs plantations de tomates et de poivrons. Le souffle de l’explosion d’une bombe, tombée sur une maison située à une centaine de mètres, a fissuré la surface vitrée et rendu inopérant le système qui alimentait en électricité la pompe du puits.
Dans la même région, chez Basimah et Azmi Mosabbeh, le plastique de la serre de plusieurs centaines de mètres carrés contenant des plants de tomates cerises a été percé quelques jours plus tôt par la retombée d’éclats de projectiles du « Dôme de fer », le système israélien de défense aérienne et d’interception des roquettes lancées depuis la bande de Gaza. « Nous sommes souvent découragés, mais nous n’avons pas d’autre choix que de continuer. L’agriculture est notre seul métier et notre seule source de revenus », lâche Basimah, 58 ans, mère de huit enfants, diplômée universitaire en langue arabe qui rêvait, plus jeune, d’être enseignante.
Basimah et Azmi Mosabbeh dans leur serre. (Photo : Fabrice de Pierrebourg)
Les restes de missiles intercepteurs israéliens et de roquettes tirées par leurs compatriotes, en abîmant leur serre, ajoutent aux soucis financiers qui s’accumulent pour les deux conjoints, agriculteurs depuis une trentaine d’années. L’augmentation des coûts du matériel, des engrais et des traitements fongiques plombe de plus en plus le budget. Au point que le couple n’arrive plus à payer les travailleurs temporaires employés pour récolter ses tomates.
Du nord au sud de Gaza, le même spectacle de désolation se répète après chaque affrontement. Des maisons effondrées. Des années de vie écrasées sous des dalles de béton empilées comme les couches d’un millefeuille.
Un immeuble détruit en mai par un bombardement israélien. (Photo : Fabrice de Pierrebourg)
Le danger est omniprésent pour les personnes qui travaillent dans les champs à portée de tir des soldats israéliens de faction aux postes de guet. En mai 2021, pas moins de 15 agriculteurs et agricultrices ont été tués dans leurs exploitations, soutient Adham al-Bassiouni, responsable du ministère palestinien de l’Agriculture pour la région nord. Rien que parmi les exploitations agricoles gérées par des femmes, près de la moitié auraient été endommagées ou détruites lors de ce conflit.
En plus du danger, environ 25 % des terres de bonne qualité ne peuvent pas être cultivées, poursuit Adham al-Bassiouni, à cause des restrictions israéliennes imposées pour des motifs de sécurité, depuis le début du blocus, sur une zone tampon qu’il estime à 300 m de large. Les personnes qui s’y aventurent pour travailler ou manifester risquent d’y laisser leur peau.
Au cours d’invasions terrestres passées, l’armée israélienne a aussi rasé avec des bulldozers nombre de plantations limitrophes, jugées trop proches, en particulier des champs d’oliviers. Et elle y pulvérise régulièrement des herbicides. « Avant la seconde intifada [soulèvement] en 2001, nous étions autosuffisants et produisions assez de fraises, de citrons et même de fleurs pour en exporter, affirme Adham al-Bassiouni. Maintenant, notre situation est difficile. Nous devons préserver assez de fermes pour nourrir les gens et en même temps trouver de nouveaux espaces pour les loger. L’occupation [israélienne] est notre premier obstacle à l’autosuffisance », conclut, lapidaire, le haut fonctionnaire.
Samaher Shaheen, 39 ans, est relativement épargnée parce que sa terre est loin des clôtures. Lors de notre rencontre, la mère de deux jeunes enfants se préparait à moissonner son petit champ de blé aux épis dorés, dans le sud de la bande de Gaza.
Diplômée en administration des affaires, elle s’accroche depuis 2006 à sa passion pour l’agriculture malgré les multiples sacrifices et embûches. Sa maison et ses champs ont été rasés en 2014 lors d’une opération terrestre de Tsahal, l’Armée de défense d’Israël. Puis les poulets qu’elle élevait pour subvenir à ses besoins en attendant de pouvoir repartir à zéro ont été dévorés par des chiens errants.
Aujourd’hui, ses plantations de blé et de zaatar (herbe aromatique) ainsi que ses quelques moutons lui procurent les revenus « juste nécessaires pour vivre dans la dignité, être indépendante financièrement, sans rien demander aux autres ». Pour rien au monde Samaher ne travaillerait dans un bureau où elle pourrait pourtant espérer une certaine sécurité financière. Se rendre dans son champ, même à l’aube, pour tailler ses arbres fruitiers, nourrir ses animaux, tout cela ne lui apporte que du bonheur, nous dit-elle, les yeux pétillants.
Samaher Shaheen dans un champ de blé. (Photo : Fabrice de Pierrebourg)
Drapée dans sa longue robe noire ornée de délicates broderies fleuries, elle montre avec fierté les jeunes pêchers, déjà alourdis par des fruits, qu’elle a plantés autour de sa maison. Puis elle s’appuie en silence sur une barrière rudimentaire pour observer ses moutons dévorer goulûment du fourrage dans leur enclos.
Si son rêve d’acheter une autre parcelle pour accroître son activité est inatteignable en raison du coût (environ 65 000 dollars pour 1 000 m2), elle a toutefois pu compter sur l’aide financière de la Plateforme d’agriculture urbaine et périurbaine de Gaza (GUPAP) pour la construction d’une clôture autour de son champ ainsi que d’un système d’irrigation. L’organisme non gouvernemental fondé en 2013, soutenu notamment par le Canada, a pour mission de contribuer au développement de l’agriculture, et en particulier d’épauler et fédérer les cultivatrices, les aider à professionnaliser leur métier. Samaher Shaheen, elle, a déjà un autre projet en tête : bâtir une serre et se lancer dans la culture de tomates et de concombres.
Alaa Abu Jayab, coordonnatrice de la GUPAP, constate qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour les femmes entrepreneuses en agriculture. « L’acceptabilité sociale est loin d’atteindre un niveau idéal ici », se désole Hanadi Mahanna, l’agricultrice de Khan Younès. Dans cette société conservatrice, les obstacles ne manquent pas à toutes les étapes, que ce soit pour obtenir du financement, accéder à la propriété, jusque dans les relations au quotidien avec des fournisseurs, grossistes, etc.